XVIIe -XVIIIe siècles
Jonathan Carson propose l’édition de l’œuvre complète de Scarron, neuf pièces en cinq actes composées entre 1645 et 1662, ainsi que les Fragmens de diverses comedies et deux extraits des Boutades du Capitan Matamore. Présentée de manière diachronique, l’édition met en perspective le développement de la technique dramaturgique de Scarron, qui n’est pas qu’un auteur burlesque, contrairement à ce qui est communément admis. L’introduction présente les différentes thématiques propres à son théâtre, mettant en lumière le traitement d’importants sujets sociétaux. Toutes les pièces, hormis le Prince corsaire, trouvant leur source dans le théâtre espagnol contemporain, Jonathan Carson propose une analyse des modes de réécriture et de transposition utilisées par l’écrivain, et fait précéder chaque oeuvre d’une description de sa matière première, à l’exception du Marquis ridicule, dont la source espagnole n’a jamais été imprimée. Enfin, cette édition retrace l’histoire complète du théâtre imprimé du vivant de l’auteur.
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos
La réception en France du théâtre de Cervantès
La réception en France de la comedia
A propos de la date de Peribáñez y el Comendador de Ocaña
Le duc de Viseu, drame du despotisme
L’énigme de Fuente Ovejuna
La tragédie pathétique du Chevalier d’Olmedo
Défense et illustration de l’Espagne chez Lope de Vega
« D’une mère d’illustre origine et d’un père de sang généreux »
A propos de la date de El vergonzoso en palacio
Le Timide à la Cour : histoire, politique et littérature
Le Timide à la Cour : fantaisie et jeu
Les brunes aux yeux noirs
Deux bons serviteurs de Calderón
Le plus grand monstre qui soit au monde
Variations espagnoles sur le thème des amants de Vérone
Horreur et compassion
Index des pièces espagnoles citées avec, entre parenthèses, leurs adaptations françaises
Index des auteurs, traducteurs, adaptateurs, metteurs en scène, décorateurs, principaux acteurs, critiques dramatiques, essayistes et historiens du théâtre
Ce recueil de travaux est le fruit de longues recherches et d’une enquête persévérante auprès des traducteurs, metteurs en scène, comédiens ou décorateurs qui contribuèrent à faire revivre sur les planches, au siècle dernier, un genre littéraire qui eut son heure de gloire sous les règnes de Philippe II, Philippe III et Philippe IV d’Espagne. Toujours avec le même refus du convenu, il dresse un historique largement inédit de la réception en France de ces comédies et tragi-comédies qui inspirèrent à Corneille, Rotrou, Molière et Marivaux des œuvres aussi applaudies que Le Cid, Le Menteur, Le Véritable saint Genest, Dom Juan, La Surprise de l’amour et Les Fausses confidences. Il découvre les racines secrètes de drames toujours admirés comme Peribáñez, Fuenteovejuna, El caballero de Olmedo ou la plaisante comédie El vergonzoso en Palacio. Il déterre une tragédie politique aussi puissante qu’El duque de Viseo. Il illustre, par des exemples tirés de vingt-deux comédies ou tragi-comédies, la fidélité avec laquelle Lope de Vega s’est plu à refléter les sentiments des Espagnols de son temps. Il révèle les origines familiales de Tirso de Molina et il propose une lecture de El médico de su honra dégagée de toute concession au « prêt-à-penser » identitaire. Il rend un hommage mérité à tous ceux qui, à l’exemple de Charles Dullin, Jean-Louis Barrault, Daniel Leveugle ou Jean Vilar, osèrent rompre avec les facilités du théâtre de boulevard pour faire applaudir, à travers toute la France, quelques-uns des plus beaux drames du théâtre espagnol du Siècle d’or.
CONTRIBUTEURS
BARDIN Pierre, Association Généalogie et Histoire de la Caraïbe.
BERNARDIN Florian, étudiant à l’Université de Nantes (dir. É. Noël).
CHÉTANNEAU Sébastien, étudiant à l’Université de Nantes (dir. É. Noël).
FAGOUR Yvelle, étudiante à l’Université des Antilles-Guyane (dir. É. Noël).
GRANGER Sylvie, maître de conférences à l’Université du Maine.
HAUDRÈRE Philippe, professeur à l’Université d’Angers.
MICHON Bernard, maître de conférences à l’Université de Nantes.
MITCHELL Robin, professeur assistante à Depaul University, Chicago.
NOËL Erick, professeur à l’Université des Antilles-Guyane.
PEABODY Sue, professeur à Washington State University.
RAFFIN Thomas, étudiant à l’Université de Nantes (dir. É. Noël).
ROGERS Dominique, maître de conférences à l’Université des Antilles-Guyane.
SAUPIN Guy, professeur à l’Université de Nantes.
Le Dictionnaire des gens de couleur, après un volume consacré à Paris et à son bassin, approche ici tous ceux qui, passés en Bretagne, ont constitué la part la plus importante au terme d’un circuit triangulaire dominé par Nantes. Sur plus de 15 000 hommes et femmes amenés en France entre les grandes découvertes et la révolution, au moins la moitié ont en effet été retenus par la province la plus engagée dans le trafic négrier.
Cette situation est singulière : en plein siècle des Lumières, la capitale de la traite a réussi à faire avaliser un droit à l’esclavage dans un royaume où la liberté avait été érigée en principe fondamental. Méticuleusement analysés, les fonds des archives locales, aussi bien que départementales et nationales, à travers l’armement maritime, les registres des amirautés et jusqu’à ceux des paroisses, ont révélé l’existence de ces « nègres esclaves », rarement affranchis, dans l’ombre des moindres familles bourgeoises.
Ainsi découvrira-t-on, loin de l’Afrique et des Îles où ils avaient grandi, des cohortes de gens de maison et de métier, en théorie appelés à retourner sur les plantations d’où ils venaient. La réalité révèle surtout un monde de petites gens, capables de s’entraider dans des ports où ils pouvaient craindre un renvoi aux colonies et, dans le meilleur des cas, accéder à une liberté garantie par l’exercice d’une activité, parfois spécialisée, au sein de quartiers où leurs figures ont inspir© ces mascarons figés en façade des hôtels des négriers.
Pierre et Marie-Hélène Servet rassemblent, pour la première fois dans une édition critique, plus de 90 testaments, fictifs dans leur immense majorité, écrits dans la lignée de l’œuvre de Villon entre la fin du XVe et la fin du XVIIIe siècle. Ces textes, inédits pour certains, souvent difficilement accessibles, sont accompagnés d’un apparat critique qui leur apporte la contextualisation et les éclairages historique, littéraire, linguistique, éditorial, indispensables. L’introduction générale propose une réflexion approfondie sur les sources juridiques – le testament civil – et littéraires, l’orientation facétieuse et/ou polémique de ces textes, la diversité de leurs registres, de la satire au pamphlet, et de leurs idéologies, leurs regroupements et leur évolution au fil des foyers pamphlétaires (guerres de religion, Mazarinades, phases de la Révolution). Cette édition permet ainsi de mettre au jour l’existence d’un nouveau genre littéraire, saisi dans son évolution, son apogée, son déclin ; elle propose aussi une réflexion plus générale sur la littérature de combat et sur le fonctionnement de la vie littéraire à travers les jeux de réécriture et de rééditions ; elle ouvre enfin des perspectives sur la subversion des formes et des genres par l’écriture polémique.
Dialogue ou roman? Les deux à la fois. D’un côté, un musicien bohême et un philosophe compassé se lancent dans un débat tortueux, sur tout et sur rien ; de l’autre, un récit dresse la scène et raconte les inénarrables pantomimes du Neveu. Le dialogue en fascinera plus d’un : Goethe, Hegel, Engels, Freud. Les interlocuteurs, LUI et MOI, parlent morale, politique, esthétique, et surtout musique et opéra. Mais leur conversation tourne à la satire pour épingler banquiers et "célébrités". Chef-d’œuvre bariolé, peinture d’un Ancien régime qui se dissout dans la corruption et la gabegie, Le Neveu de Rameau laisse pourtant se profiler, par la musique, une autre possibilité d’être, plus intérieure, plus souple, plus libérée de la convention.
Tour à tour profond et cocasse, enthousiaste et inquiet, cruel et affectueux, Diderot donne ici libre cours à une inventivité qui, de paradoxes en intuitions géniales, ne connaît pas de frein. Mais il déconcerte : où est-il ? qui est-il ? A l’encontre de Rousseau, son ex-ami, il se dérobe, sa pensée vagabonde.
La présente édition propose une annotation renouvelée et, à partir d’une information précise sur le contexte littéraire, théâtral et musical, avance de nouvelles interprétations.
Au cours du XVIIe siècle, dans les couvents de toute la catholicité, furent écrites des milliers de vies de religieuses : ordres anciens réformés (comme les carmélites, les bénédictines, les cisterciennes) et ordres nouveaux (comme les visitandines, ou les ursulines) furent ainsi le lieu d’une extraordinaire production de textes où, dès leur mort, était retracée la vie des religieuses, où étaient exposés leurs vertus, leurs souffrances, leurs maladies, leurs rêves, leurs mortifications, leurs extases et leurs jouissances célestes. Cette riche source de documents permet de pénétrer dans l’intimité de ces femmes, au delà des formes ritualisées de leur existence et des censures qu’imposaient les documents officiels. Le présent ouvrage, portant sur les biographies de religieuses essentiellement françaises constitue ainsi une page importante de l’histoire des représentations et des pratiques spirituelles, corporelles et sociales dans les couvents féminins du XVIIe siècle.
Alors que, depuis le XVIe siècle, la justice criminelle républicaine s’exerçait selon un usage ancien d’arbitrage, dès 1707 et surtout après 1760, des voix s’élèvent pour dénoncer la liberté des juges à l’égard du droit procédural et sentencieux. Bien qu’encadré par les lois fondamentales de la République, le pouvoir de justice, tel qu’il s’exerçait auparavant, est contesté. Le droit doit être parfaitement formalisé par les lois qui, d’une nature prescriptive, deviennent alors contraignantes. L’article sur la défense, rédigé hâtivement en 1734, participe de ce mouvement, car peu de temps après sa légalisation, des interprétations contradictoires naissent au moment de sa mise en pratique. Tout au long du XVIIIe siècle, la justice en général et la défense en particulier entreront dans le jeu des négociations sur le droit constitutionnel.
Surtout, la défense criminelle s’impose difficilement dans la justice. Légitimés par leur pouvoir d’arbitrage ancien, les juges proposent parfois à certains accusés un châtiment clément en contrepartie du renoncement à leur droit à l’avocat de la défense. Ce mode d’échange, qui rappelle le plea bargaining qui apparaît dans le droit anglo-saxon dès le XIXe siècle, est attesté par des traces archivistiques ténues qui illustrent d’ailleurs la discrétion de ces tractations. Ainsi, les pratiques négociées de la défense permettent de saisir comment, au XVIIIe siècle, la justice s’accommode des droits des accusés et procède du renforcement du légalisme républicain.
Table des matières / I. GARNIER et O. LEPATRE, « Introduction » – THEORIE – M.-H. SERVET, « Impertinent, Impertinence : les mots et la chose » ; M. LEVESQUE, « "Je m’en sers de ma seule autorité" : possibilité et enjeux d’un usage impertinent de la langue au XVIIe siècle » ; F. BOISSIERAS, « Approche rhétorique et pragmatique de la notion d’impertinence » – L’IMPERTINENCE GENERIQUE – A.-P. POUEY-MOUNOU, « Impertinences montaigniennes : la "suffisance" des Essais » ; M.-C. THOMINE-BICHARD « Les impertinences d’Eutrapel : Baliverneries (1548) et Contes et Discours d’Eutrapel (1585) » ; P. MOUNIER, « Le roman et l’humanisme : anticonformisme d’un genre à la Renaissance » ; A. ROOSE, « L’impropre et l’obscène dans Alector de Barthélémy Aneau » ; Y. CHARARA, « Les Aventures de Télémaque de Fénelon inspiration mystique et scandale générique » – LES GENRES DE L’IMPERTINENCE – M. AUBAGUE, « Les Trois Francion de Charles Sorel (1623, 1626, 1633) : impertinence générique et voix d’auteur » ; F. POULET, « De la satire des ridicules à la parrêsia : impertinence et extravagance dans l’histoire comique (1620-1660) » ; D. BERTRAND, « Impertinentes traversées urbaines : risque de la parrêsia et frontières de l’acceptabilité burlesque » ; H. DURANTON, « Au-delà de l’impertinence : la littérature satirique versifiée (1715-1789) » ; P. CAMBOU, « L’obscène et le saugrenu comme formes d’impertinence dans le conte voltairien » ; C. RAMON, « La transgression des libertins : une affaire de genre ? (Crébillon, Sade, Nerciat) » ; M. TSIMBIDY, « De l’impertinence des Mémoires ou des mémorialistes sous Louis XIV » ; K. ABIVEN, « Les impertinences de l’Histoire : une question d’aptum générique » ; F. WILD, « Savoir et impertinence dans les ana » ; P. GETHNER, « Le Proverbe dramatique, genre de l’impertinence » – Impertinence et bienséances – T. TRAN, « Les impertinences de la parole : collusions génériques et renversement satirique dans les Loups ravissans de Robert Gobin (c. 1505) » ; O. LEPLATRE, « L’impertinence des images : mont(r)er. A propos de l’Enigme joyeuse pour les bons esprits et du Centre de l’amour » ; P. EICHEL-LOJKINE, « Le conte merveilleux, un genre autorisant l’impertinence ? Bienséance, contrôle, image dans "Le Maître Chat ou le Chat Botté" » ; M.-M. FRAGONARD, « Livres de piété, prédication et modes féminines : l’enfer des bonnes intentions » ; C. ARONICA, « Quand les désirs sont désordre. Le corps impertinent de la tragédie classique » ; C. BARBAFIERI, « "La femme est le potage de l’homme" : les plaisanteries malséantes dans la France classique » ; M. BERMANN, « Les Contes et Nouvelles en vers ou une mondanité impertinente » ; C. LIGNEREUX, « Le conseil, un acte de langage contraire aux bienséances ? » – IMPERTINENCE, AUTORITE ET AUCTORIALITE – D. Reguig, « Impertinence et littérarité chez Boileau » ; C. BAHIER-PORTE, « Les réécritures "modernes" du bouclier d’Achille : l’inavouable pertinence d’un modèle inconvenant (Lesage, La Motte, Marivaux) » ; C. HAMMANN, « Pertinence du dé-plaire : une mise en cause de l’aptum dans les Lettres au XVIIIe siècle ».
L’impertinence a longtemps eu mauvaise presse. Sottise ou fatuité, extravagance ou importunité, l’impertinence choque, indispose, heurte l’usage ou la bienséance. Quand elle s’invite en littérature, elle fournit bien plus que l’étoffe de personnages de comédie – médecins ou coquettes – ou de romans burlesques : elle joue avec les codes sociaux et les normes de la représentation, bousculant les frontières des genres établis qu’elle subvertit ou régénère.
Après une mise en perspective conceptuelle de la notion, vingt-neuf études éclairent ici les multiples facettes de l’impertinence sous l’Ancien Régime. Elles les envisagent en diachronie d’un point de vue lexical, rhétorique, générique, en jouant de la complémentarité des approches. Composant un savoureux pot-pourri, roman, conte, histoire fabuleuse, énigme, recueil d’emblèmes, livres de piété, tragédie, mémoires, chansons satiriques, images tendancieuses, apparaissent tantôt comme lieux de l’impertinence générique, tantôt comme genres de l’impertinence.
Énergie créatrice au XVIe siècle, sulfureux débordement à canaliser au siècle classique, elle devient force émancipatrice pour les Lumières. En à peine plus d’un siècle, l’impertinence inverse totalement sa valeur socio-esthétique et contribue à faire jaillir la vérité en se soustrayant au carcan des codes. Stigmatisée comme vice par l’opinion commune, retournement de la folie en sagesse pour les écrivains indociles – qu’on peut considérer précurseurs –, elle apparaît comme qualité de l’intelligence et de l’esprit – pour ne pas dire vertu – et finit par imprégner toute une époque, valeur partagée d’un temps qui, par sa liberté de penser et d’écrire, marque encore le nôtre.